Latrodectus mactans a été introduite dans la matière médicale par Jones (1889) et Tafel. Il ne semble pas y avoir eu de pathogénésie expérimentale proprement dite et celle que nous possédons est avant tout d'origine toxicologique.
PHARMACOLOGIE :
Le venin est limpide, soluble dans l'eau et les solutions alcalines. Il contient :
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des enzymes à activité pro-inflammatoire :
. une hyaluronidase non pathogène,
. des protéases cyto-toxiques,
. une glycogénase ;
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de la sérotonine et du GABA (acide gamma-aminobutyrique, neuromédiateurs), des lipoprotéines et de nombreux acides aminés ;
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une quinzaine de fractions protéiques, isolées par électrophorèse, représentant l'essentiel du pouvoir toxique du venin : les plus grosses, d'un poids moléculaire compris entre 110.000 et 140.000
ont une action neurotoxique.
PHYSIOPATHOLOGIE :
L'action périphérique de ces neurotoxines est bien connue : agissant au niveau présynaptique, elles assurent la vidange des vésicules contenant les neurotransmetteurs. Elles réalisent ainsi une
double stimulation :
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cholinergique : libération d'acétylcholine, responsable de l'augmentation des sécrétions, du spasme bronchique et des contractures musculaires ;
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adrénergique : entraînant tachycardie, augmentation de la tension artérielle et peut-être diminution de la perfusion des coronaires (angor vrai ?).
TOXICOLOGIE :
Le tableau de l'envenimation réalise ce que l'on dénomme "Latrodectisme", ensemble de signes cliniques reflétant essentiellement la neurotoxicité du venin (angoisse - hallucinations - contractures musculaires - polypnée - myosis) et contrastant avec la pauvreté des signes locaux (nécrose discrète - hémolyse rare).
La symptômatologie est cependant très variée suivant l'état physiologique de la victime et la virulence de l'araignée :
1 - PERIODE DE DEBUT :
Les signes locaux sont peu marqués : la morsure peut être ou non douloureuse, l'inflammation locale passagère, parfois inexistante.
Au bout de dix minutes à une heure, réapparition éventuelle de la douleur locale et installation d'une névralgie intense, atroce, le long des voies lymphatiques correspondant à la localisation de la morsure et accompagnée d'un oedème douloureux du membre mordu et de contractures musculaires.
Cette douleur crampoïde irradie progressivement vers la racine du membre et peut s'étendre aux lombes, à l'abdomen ou au thorax.
Les signes généraux sont banals : fièvre modérée, sueurs abondantes, troubles du transit intestinal éventuels (diarrhée).
Des troubles neuro-psychiques s'installent rapidement et peuvent parfois être pris pour une bouffée délirante lorsque l'envenimation n'a pas été reconnue :
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angoisse intense avec sensation de mort imminente,
- délire confus avec hallucinations visuelles fréquentes,
- agitation psychomotrice,
- sensations vertigineuses.
2 - PERIODE D'ETAT :
La douleur précordiale constrictive, irradiant dans le bras gauche est très évocatrice d'un angor Latrodectus mactans (l'E.C.G. montre parfois de grandes ondes P, un sous-décalage de ST et/ou une inversion de l'onde T).
La tension artérielle est instable, variable, le rythme cardiaque modifié, accéléré ou ralenti.
La douleur abdominale est très intense et peut même survenir avant la précordialgie en cas de morsure du siège. Elle s'accompagne de contractures intenses et peut simuler un accident péritonéal aigu.
Dyspnée et tachypnée que le malade tend à rapporter à des crampes musculaires intercostales sont en relation avec un bronchospasme et une augmentation des sécrétions bronchiques.
L'apparition d'une oligurie et/ou d'une hématurie passagères, plus rarement d'un priapisme a été décrite. On observe une augmentation des sécrétions (transpiration, salivation, sécrétions lacrymales et bronchiques), une hyperleucocytose avec polynucléose et une hyperfibrinémie
expliquant certaines complications phlébitiques.
Enfin l'aspect congestif de la face, l'hyperhémie conjonctivo-palpébrale, le trismus douloureux éventuel déformant le visage, offrent un aspect caractéristique désigné sous le nom de "facies latrodectique".
3 - EVOLUTION :
Les troubles psychiques (angoisse, somnolence ou obnubilation) disparaissent en deux ou trois jours.
Les signes locaux et généraux s'estompent généralement aussi en quelques jours.
En revanche, la convalescence est longue, dominée par une asthénie profonde, physique, psychique et sexuelle et dure plusieurs semaines sinon plusieurs mois (deux à trois mois).
De nombreux signes neurologiques, objectifs et subjectifs, persistent tout en s'atténuant progressivement durant cette période :
- diminution de la force segmentaire musculaire,
- instabilité à la marche sans modifications objectives de la réflectivité et de la sensibilité,
- céphalées et insomnie,
- rétrécissement du champ visuel,
- troubles légers de l'humeur,
- paresthésies des membres inférieurs.
Source : Homéopathie, thérapeutique & matière médicale, Boiron 1998